Et ce corbillard, auquel on attelait le cheval d'un vigneron, apportait une note poétique aux cérémonies mortuaires.
Avec ou sans passage à l'église, il accompagnait les villageois à leur dernière demeure.
En janvier 1942, mes arrière grand-parents sont décédés à neuf heures d'intervalle; ainsi ils ont effectué leur dernier voyage côte à côte. Le jour de l'enterrement il gelait à pierre fendre: -22°, le cheval a certainement dû peiner pour acheminer les deux cercueils sur la route verglacée.
Je me souviens des années soixante, alors que j'étais enfant de chœur à la paroisse. M. Pommeruel conduisait l'attelage. Le cortège se formait sur la place du village. Les pas du cheval, le bruit des sabots, des roues cerclées de fer sur le gravier, tout cela participait au rituel et rendait l'évènement moins triste, presque théatral, empreint de solennité rustique.
Une fois les obsèques terminées, M. Pommeruel nous faisait un signe pour que nous montions nous installer à ses côtés.. Alors il faisait claquer les rênes sur le dos du cheval en donnant de la voix pour que la bête prenne le trot, il nous jetait un regard complice, il savait que nous attendions ce moment. Dans la descente, avec la vitesse, le vent faisait flotter nos aubes, cela nous impressionnait beaucoup.
Bien plus tard en avril 1978 ce même corbillard était encore en service sous la conduite de Marc Granger, et cette fois c'était mon père que l'on emmenait au cimetière. Que nous puissions l'accompagner de cette façon fut pour nous une sorte de consolation.
<On ne les reverra plus
Et c'est bien attristant,
Les belles pompes funèbres de nos vingt ans>